Un Morangeois francophile

Une vie de fidélité à la cause française.

   Dans la grande famille du Souvenir Français, il y avait à Morhange un brave et vaillant Lorrain, M. Laurent Sauveur, un président dévoué, délégué fondateur de l'oeuvre depuis sa création. Il appliquait son energie à maintenir l'attachement des morhangeois à la France, dans cette Lorraine annexée.

Lorsque survint la guerre, ce fut l'occasion pour lui de se dévouer sans compter pour le service de la France. Durant les rudes et cruelles journées de la bataille de Morhange, il prodigua aux blessés français qu'il avait recueillis chez lui, les soins les plus empressés, leur apportant le réconfort de sa voix chaudement française.

   Puis les jours qui suivirent, il prépara à ceux des nôtres mortellement blessés, la sépulture digne que leur douloureux sacrifice, où leur corps, hier sain et vigoureux, allait reposer dans un dernier et paisible sommeil. Et, pensée fervente, il recueillait les objets que possédaient ceux qu'il inhumait, classait ces souvenirs, les cachait jusqu'à la fin des hostilités pour les remettre enfin aux familles reconnaissantes et émues de tant de dévouement.

   La guerre terminée, fier et heureux de voir disparaître enfin l'envahisseur, M. Laurent Sauveur poursuit sans répit sa tâche. Il se fait l'informateur dévoué de l'état-civil aux armées et des familles des soldats morts à Morhange. Il accepte de contribuer bénévolement à la mise en état des cimetières militaires et, le 1e mars 1919, une première récompense est épinglée sur sa poitrine, par le général de Maud'huy, celle de la Croix de guerre, qu'il a bien méritée. Le 3 octobre 1921, il est nommé délégué des familles pour assister au nom de celles-ci, aux exhumations et restitutions des corps dans les cimetières. Dans 32 cimetières de ce secteur, il assiste à 392 restitutions. C'est grâce à lui aussi que la tombe du fils du général Castenau put être identifiée.

   Et depuis l'armistice, M. Laurent Sauveur travaille en silence, avec un désintéressement admirable : il a répondu à plus de 15.000 lettres, affranchies à ses frais et convié bien des fois à sa table de nombreux pèlerins, venus de l"intérieur pour se recueillir sur la tombe où repose un des leurs; sur ces tombes où fleurissent 25.000 rosiers dus à son initiative généreuse. On peut dire qu'il les aimait nos poilus, eux qui, sur les lignes de feu, combattaient, souffraient et mouraient, pour assurer le triomphe de la liberté, de la justice et du droit; aussi quand ils entrèrent victorieux à Morhange, c'est avec une joie sans mélange qu'il leur offrit jusqu'à la dernière bouteille de sa cave, bien garnie. La souscription et le monument du cimetière national de Riche sont dus à son initiative.

   Le 25 janvier 1933, il se voit remette la Croix de la Légion d'honneur. Il meurt le 5 avril 1933.

(Extrait de l'article du journal "LE MESSIN" du 7 avril 1933)