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Bataille de Morhange - Sarrebourg
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6 août 2009

DIEUZE - Chronique pour le temps de guerre

Dans sa chronique paroissiale qu'il rédige en janvier 1915 à la demande de l'évêché de Metz, M. l'archiprêtre l'Huillier, curé de Dieuze, évoque les faits historiques concernant les deux journées de la bataille de Dieuze (19 et 20 août 1914).

   << Il n'y a pas eu à proprement parler de bataille sur le territoire de Dieuze, mais celle que les officiers appelent "Salinenschlacht, Lothringer Schlacht, Dieuzerschlacht" qui s'est préparée et terminée à Dieuze.

   Après la bataille de Coincourt, le 15 août, les troupes allemandes, feignant sans doute une retraite, passèrent à Dieuze le dimanche 16 août dans un affolement indescriptible; troupes à pied, à cheval, canons, voitures de munitions, de provisions, des ambulances. Il y eut un encombrement tel qu'on peut à peine se le représenter. Après une nuit, les dernières troupes allemandes quittaient Dieuze le lundi 17, dans la matinée pour aller s'installer sur toutes les côtes nord, Bois de Bride, Guébling, Lidrezing, Bourgaltroff, Marimont, Domnon, Loudrefing et le même lundi après-midi, les patrouilles françaises prenaient possession de Dieuze, après quelques escarmouches dans les rues avec des patrouilles allemandes, puis toute la nuit et le mardi toute la journée, ce fut l'arrivée des troupes françaises. Pas un coin de rue ou de place qui ne fut couvert de troupes.

   Le mercredi 19, impossible de traverser nos rues étroites. Le drapeau français flottait à l'Hôtel de ville et les fonctionnaires avaient revêtu l'habit civil, mais nous devons à la vérité de dire que les troupes se sont comportées d'une façon entièrement irréprochable, alors que pourtant elles n'avaient pas trouvé l'accueil enthousiaste qu'elles espéraient.

   Dans la nuit du mardi au mercredi, les premières troupes étaient parties à Vergaville et Bidestroff, comme dans le bois de Bride, du côté de Lidrezing; c'est là que la bataille a commencé le mercredi matin vers 5 heures. Une quantité de Français furent massacrés à Bidestroff, dès l'ouverture du combat. Vers 7 h 30, nous arrivaient les premiers blessés.

   Pendant ce temps, le spectacle était grandiose, mais plus épouvantable encore. Derrière l'hôpital, jusqu'à Vergaville, Gébestroff, le canon français répondait au canon allemand qui se faisait entendre des hauteurs de Bourgaltroff, Marimont, Domnon.

   Les gémissements des mourants, posés partout et jusque dans la rue, les voitures d'ambulances arrivaient sans cesse avec de nouveaux blessés, la foule innombrable de soldats encombrant les rues, le canal de la Saline, la promenade, les prêtres administrant dans ce pêle-mêle les blessés, tout cela offrait un spectacle terrible. Un prêtre français du diocèse de Marseille qui avait accompagné ses compatriotes à la bataille, les administrant sur place était revenu les rejoindre quelques heures durant et nous a grandement édifiés par ce zèle intelligent et son dévouement sans bornes.

   Le soir du mercredi, les Français avaient reculé de deux kilomètres. Le jeudi, la bataille se poursuit, les canons allemands ont avancé la nuit et forcent les canons français à se retirer sur la côte de Lindre-Haute. Dieuze est sous un feu roulant des obus qui décrivent sur nos têtes des courbes sinistres. Quelques-uns tombent sur des maisons et en brûlent trois. Le mur de l'hôpital est démoli sur une longueur de vingt mètres. Le médecin qui opère demande à se confesser, les prêtres répartis dans les principales salles exhortent les blessés à se recommander à Dieu et donnent l'absolution générale. Pendant ce temps, la plupart des habitants sont dans les caves.

   Enfin vers 3 heures, les troupes françaises évacuent entièrement la ville et les patrouilles allemandes poursuivent les fuyards retardataires. Décevant spectacle de plusieurs soldats sur le point d'être pris dans les rues et qui doivent la vie à l'intervention de quelques âmes compatissantes qui parlent aux soldats allemands. Les blessés croient qu'ils vont être tués, les prêtres parlent aux soldats allemands et mènent ceux-ci près des blessés qu'ils prennent prisonniers en les rassurant.

   Dès le lendemain, on expédiait sur Sarreguemines et Sarrebrücken des trains entiers. Quel spectacle mon Dieu! Puis les jeunes gens et les hommes libres du service militaire vont chercher les derniers blessés sur le champ de bataille, mais combien,dans les bois et les fossés qui échappent à leurs regards. On enterre  les morts. Le curé de Dieuze, appelé à Guébestroff par le maire, bénit deux corps de deux civils morts qui doivent être inhumés dans une fosse commune et qui sont affreux à voir. Puis le dimanche soir, appelé au cimetière pour dire les dernières prières au général Diou, je voyais passer devant moi l'affreux cauchemar de l'écrasement de la France et, dans la mélancolie du soir, il me semblait qu'avec ce général français, j'enterrais toutes les espérances de l'Alsace-Lorraine. >>

(Sources: Archives Départementales de la Moselle)

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