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Bataille de Morhange - Sarrebourg
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20 février 2010

Le 95e R.I. en Lorraine (suite)

Les premiers assauts et la pénétration du régiment dans Sarrebourg

   Le 11 août, nous échangeons les premiers coups de feu et essuyons les premiers coups de canons des 77, vite réduits au silence par les 75 du 1er R.A., qui nous suit pas à pas et réagit avec une efficacité qui font notre admiration et nous donnent une impression de sécurité et de confiance qui ne se démentira pas de toute la guerre.

   Dans la nuit du 14 au 15, une unité du 85e R.I. et le 2e bataillon du 95e doivent attaquer Blâmont. Nous sommes en réserve dans les bois au sud de la ville. Vers minuit, nous entendons les cris de « En avant, à la baïonnette ! », le clairon sonne la charge et une violente fusillade éclate. Nous sommes aux aguets dans une nuit opaque. Après un temps qui nous paraît long, le silence le plus complet est revenu. Vers 3 heures nous ignorons le résultat ; un obus tombe dans la 4e compagnie tuant un caporal et blessant plusieurs hommes.

   A la pointe du jour, le 15 août, nous apprenons que le 2e bataillon a atteint son objectif, mais qu’il a été très éprouvé ; nous le dépassons, traversons Blâmont sans nous arrêter et continuons la marche vers la frontière, que nous franchissons dans la journée, sans résistance ; les Allemands se replient. Le soir, sous un violent orage, vers 21 heures, nous arrivons à Hattigny. Là, se situe un curieux incident :

   Le 1er bataillon a formé les faisceaux aux abords du village ; nous attendons patiemment sous l’averse qu’on nous fasse connaître les cantonnements qui nous seront assignés. Brusquement éclate une intense fusillade venant de la direction du village ; des balles nous sifflent aux oreilles ; puis une immense gerbe de flammes s’élève dans le ciel et sur ce fond lumineux le pays se détache au premier plan comme un décor de théâtre ; c’est féérique. Nous nous sommes précipités aux faisceaux ; un léger sentiment de panique nous assaille : « Est-ce une contre-attaque allemande ?  Ne serions-nous pas couverts en avant ? » Nous attendons des ordres qui ne viennent pas ; puis brusquement le silence se rétablit ; seules quelques flammes rougeoient encore à l’horizon. Les fourriers sont revenus ; ils nous conduisent vers les granges qui nous sont affectées. Rien ne s’est passé dans le village ; ce sont nos troupes qui ont attaqué et pris un convoi allemand ; nous n’en demandons pas plus et prenons possession du foin nouveau qui nous est attribué ; qu’il fait bon s’y enfuir, et dormir, dans cette couche moelleuse, dont depuis plusieurs nuits nous ne connaissons plus la douceur, et à l’abri de la pluie, sans souci de ce qui se passe au dehors ; d’autres veillent sur nous !

   Lorsque les Allemands ont été repoussés de Blâmont, ils sont partis si précipitamment qu’ils n’ont pas songé à couper la ligne téléphonique. Le colonel du 85e a capté une communication de leur intendance, annonçant l’envoi d’un convoi de ravitaillement pour Blâmont, par Hattigny, pour la nuit du 15 au 16. Il dresse immédiatement une embuscade au nord du village et lorsque les camions arrivent sans méfiance, ils sont accueillis par la fusillade que nous avons entendue ; l’un d’eux prend feu, quelques convoyeurs qui résistent sont tués ou blessés, les autres faits prisonniers et le ravitaillement recueilli.

   Le 16 août, nous dépassons Hattigny, puis sommes mis en réserve de la 16e division. Arrêtés au bord de la route qui va vers Sarrebourg, nous nous reposons en voyant défiler devant nous d’autres unités, dont les chasseurs cyclistes, des Chasseurs à cheval, des Dragons. La vue de cette cavalerie imposante nous donne une impression de force et nous laisse supposer que les Allemands sont en pleine défaite et que ces cavaliers arrivent pour transformer leur retraite en déroute. En pleine euphorie, nous nous voyons déjà sur les bords du Rhin ; nos fatigues des jours précédents sont oubliées.

   Le 17 août, Lorquin est pris.

   Le 18, le 95e R.I. reprend la tête de l’offensive en avant-garde du 8e corps d’armée ; nous progressons lentement sous un violent tir de barrage. Nous faisons connaissance avec l’artillerie lourde allemande. Les « gros noirs », toute la journée, joignent leurs coups de tonnerre à la musique du 77, causant des pertes sévères dans le régiment ; au bord de la route où nous progressons, les bas-côtés sont rouges du sang des chevaux et des cavaliers que nous avons vu défiler l’avant-veille. De nombreux cavaliers sont encore là. Vision d’horreur qui refroidit notre bel enthousiasme d’il y a deux jours. Malgré tout nous n’avons pas le temps de nous apitoyer et, le soir même, nous pénétrons dans Sarrebourg ; les Allemands se sont repliés au nord de la ville que nous occupons immédiatement.

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