Images de la bataille de Morhange

   Automne 1914, un groupe de journalistes allemands effectue une visite des localités lorraines, en partie très éprouvées par la bataille de Morhange, et situées en avant du front. De village en village, ils suivent les traces de l’avance française (19-20 août). Les notes écrites ont été rassemblées dans le but de donner une image complète des événements survenus en Moselle annexée.

   « Lorsque nous approchons du champ de bataille, à hauteur de Lidrezing où, de même qu’à Vergaville et Bidestroff des rivières de sang ont coulé, les équipements français dispersés sont toujours aussi nombreux. Après la ferme du Haut de Koeking et dans la forêt, les troupes françaises du 58^e R.I. d’Avignon, et également des 69^e et 79^e R.I. de Nancy, ont souffert d’énormes pertes, Nous sommes face à une fosse commune de 40 pas de long et encore une autre rangée de tombes en grand nombre. Dans la forêt elle-même, nos obus de 10 et 15 cm ont provoqué un vaste désordre. De nombreux objets putréfiés s’étalent sur le sol : des  livrets militaires français parmi des cartouchières, des musettes dont le pain rond a pourri, des paquets de pansements, et dans les fossés, en face de la forêt, des milliers de cartouches de fusils français. A 100 mètres, et encore plus loin, la forêt est délabrée et désagrégée. Les arbres sont criblés d’éclats d’obus sur une épaisseur de 20 à 30 cm. Le sol est recouvert en grande partie par les branches brisées des arbres. On remarque que les troupes bavaroises arrivant de Lidrezing, en sont venues aux mains, ici en particulier, avec l’infanterie française.

   Profondément émus, nous quittons ce champ de morts et continuons notre chemin près de la lisière du bois en direction de la ferme du Haut de Koeking, dont les murs noircis par la fumée, sont visibles de loin. Nous laissons Lidrezing à droite dans la vallée. Nous n’avançons que péniblement. Le chemin est défoncé par l’artillerie, et la progression sur le bord de la forêt est rendue difficile dans le sol mou. Des troncs d’arbres se trouvent sur une grande distance et parmi eux des morceaux de bois pour éviter que les canons s’enfoncent. A gauche, dans un espace déboisé, une tombe creusée dans le sol rocailleux, 61 soldats français du 58^e R.I. y sont couchés Un visiteur a découpé dans une des tuniques, le numéro et l’écusson du régiment, pour indiquer que ce sont bien des Français.

   Nous tournons à droite et passons devant une autre tombe récemment recouverte, puis nous montons sur la hauteur où se situe l’imposante ferme du Haut de Koeking. Les bâtiments sont aujourd’hui une seule ruine. Nos pas résonnent dans la cour spacieuse où traînent les débris des murs effondrés. Ici et là, on trouve dans les parois, des morceaux de projectiles qui n’ont pas éclatés. Dans l’un de ceux fiché dans la propriété, l’obus a encore sa fusée. Des morceaux de culotte rouge et une tunique bleu foncé, nous donnent à penser que la ferme a été temporairement occupée par les Français, mais qu’elle a eu à endurer les bombardements français et allemands. Dans la bataille d’aujourd’hui, l’occupation d’une telle bâtisse serait fatale aux troupes. A proximité des ruines, un vieil homme qui récolte des pommes de terre, ne nous dit que peu de chose : "On n’en sait rien, tout le monde s’était caché."

   A Lidrezing, nous apprenons plus de détails. Les nombreuses têtes de bétail de la ferme, enchaînées dans l’écurie, ont péri brûlées. Le propriétaire échappa de justesse à la mort. Au milieu des violents tirs d’obus, il quitta la ferme avec sa femme, portant sous chaque bras un enfant. Lui-même tenait un linge blanc fixé à un bâton ; il réussit à rejoindre Rodalbe avec sa famille. »

              Les ruines de la Ferme du Haut de Koeking

Comments

[Eden LR]

je pense que le propriétaire de la ferme Du Haut de Koecking qui s'enfuyait avec sa femme et ses enfants était mon grand-père Gustave Wunderling. J'ai souvent entendu ma mère me racontert le bombardement de la ferme.