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Bataille de Morhange - Sarrebourg
Bataille de Morhange - Sarrebourg
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18 juillet 2013

Un Triste défilé

Le 14 août 1914, les habitants de Réméréville (Meurthe et Moselle) observent certains régiments du 20e corps d’armée traverser leur petit village et y faire halte avant de se diriger vers Château-Salins.  Les femmes, les enfants et les vieillards sont occupés aux moissons.  Au loin le canon tonne, la présence des militaires rassure mais pas pour longtemps. Le 21 août, l’anxiété se lit sur les visages des villageois, ces mêmes troupes se replient. Toute la nuit des convois traversent le village de Réméréville. Ce roulement sourd de voitures lourdement chargées est angoissant. Les habitants sont consternés et  témoignent :

   De grand matin huit automobiles s’arrêtent dans la cour du château. Elles sont remplies de blessés. La plupart d’entre eux ont d’horribles blessures. Ils paraissent souffrir beaucoup. Ils sont terrorisés. Ils disent : «  Nous sortons d’un enfer ! Nous ne savons pas comment nous avons échappé ! » Les infirmières les couchent dans de bons lits et leur donnent du bouillon et du thé. Les pauvres garçons se calment un peu.

   Dans la matinée des soldats arrivent au village descendant de Vic et de Château-Salins. Ils marchent par petits groupes. Ils sont harassés de fatigue. Quelques-uns sont blessés. Tous ont faim et soif. Les uns cherchent leur régiment, d’autres, à bout de forces, supplient qu’on les laisse se reposer dans une grange avant de repartir. Certains paraissent découragés. Ils disent que notre armée a subi un échec à Morhange. Nos régiments s’étaient élancés à l’assaut, crânement, avec fougue, mais de tous côtés ils avaient été mitraillés. Des compagnies entières auraient été fauchées.

   « Nous avons été pris comme dans un fer à cheval, dit l’un des blessés. Les balles et les obus tombaient dru. Nous avons eu des camarades qui sont restés là-bas !.. Et puis pas moyen de les voir ces cochons-là, qui  nous tiraient dessus ! Ils étaient tous terrés dans des trous. Si on les avait dénichés, ils auraient pris quelque chose à la pointe de nos baïonnettes ! Mais pas moyen d’approcher. Ils jetaient trop de balles et d’obus ! Presque tous nos officiers ont été tués. Ils ‘étaient lancés en avant de si bon cœur ! C’est ce qui nous décourage le plus. Qu’est-ce que vous voulez que nous fassions sans nos officiers ! Enfin, il faut espérer qu’en Belgique les Boches reçoivent la plie ! Ça ne peut pas être partout la même chose ! »

   Les habitants du village interrogent anxieux : «  Mais alors, les Prussiens vont venir ? » et les soldats répondent : «  Oh non, ils sont encore loin. Et puis il y a encore beaucoup de nos régiments là-bas. »

   Au commencement de l’après-midi plusieurs chariots amènent les blessés à l’ambulance. Ils sont conduits par des cultivateurs du pays annexé. Ceux-ci taciturnes disent qu’il y a eu une grande bataille entre Morhange et Sarrebourg ; mais n’en savent pas plus.

   Ils meurent de faim et de soif ces pauvres blessés. Quelle pitié de les voir ! Les femmes du village s’empressent de faire du bouillon, du café, du thé.

   Vers 4 heures arrive l’ordre d’évacuer tous les blessés sur Nancy. Les plus gravement atteints sont emportés par les voitures d’ambulance. Les autres s’en vont à pied, soutenus par leurs camarades ; quelques-uns grimpent sur des voitures de ravitaillement  ou des caissons à munitions. Vers 5 heures la grande rue est envahie par les soldats qui défilent en rangs pressés. C’est un flot continu. Par les routes d’Hoéville et Erbéviller les colonnes débouchent sans arrêt et se rejoignent dans le village. C’est la retraite !

 

( Extrait de Réméréville, un village lorrain pendant les mois d’août et septembre 1914, Charles Berlet)

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