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Bataille de Morhange - Sarrebourg
Bataille de Morhange - Sarrebourg
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15 juillet 2009

Discours du général Hirschauer

(suite du discours prononcé lors de l'inauguration du monument de Morhange.)

   Reconnaître l'ennemi, c'est la première tâche du commandement; l'aviation peut beaucoup; elle donne parfois le tracé des lignes; elle peut donner des indices sur la marche des grandes colonnes. L'attaque seule peut dire ce qu'on a devant soi et la ligne exacte que tient l'ennemi; l'attaque seule peut donner des indications sur la force, la densité et surtout le moral de l'adversaire. L'ennemi avait profité de notre recul de 10 kilomètres avant la mobilisation pour occuper la frontière.

   Le 13 août, notre concentration est terminée; le 14 août, la deuxième et la première armées délogent les avant-postes ennemis et s'avancent. le 17 août, on tient la ligne marquée en gros par Château-Salins, le Donon; les Allemands se retirent sans engagements à fond. Le 18 août, la première armée entre à Sarrebourg, la deuxième entre à Dieuze. Le 19, la division de Maud'huy tient le Nord de Sarrebourg et prend Buhl. Et la deuxième armée, les 15e et 16e corps, attaquent vers Bénestroff et Rohrbach; mais le 15e est arrêté à Vergaville et Bidestroff. Le 20e corps progresse vers Morhange; la 11e division atteint Pévange, qu'elle ne peut dépasser, arrêtée qu'elle est par l'artillerie lourde qui s'est dévoilée. La brigade coloniale tient Oron, sur la Nied. La 39e division occupe le terrain entre la brigade coloniale et la 11e division. Tout à fait l'ouest, le groupe de division de réserve, commandé par le général Léon Durand, et qui comprend la division Fayolle, tient tête à la garnison de Metz.

*  *  *

   Nous arrivons au 20 août - il y a juste sept ans! C'est la grande bataille qui va des Vosges à Metz et qui se montre particulièrement violente en deux points : au Nord de Sarrebourg, au Sud de Morhange. Rappelons seulement que la première armée enlève Gosselming, mais doit reculer sur Haut-Clocher; que le 95e, qui tient Sarrebourg, y résiste jusqu'au soir aux attaques d'une brigade allemande et ne se retire que sur ordre, musique en tête. Le soir du 20 août, la première armée a sa gauche vers Héming, sur le canal de la Marne au Rhin; sa droite au col de Saint-Léon, près Walscheid.

   Voyons ce qui se passe à la deuxième armée : Tout d'abord pourquoi l'attaque ? Parce que nous n'attendions plus de renforts; on avait même dû enlever à la deuxième armée un corps, pour le porter dans nos armées de gauche, celles qui opéraient en Belgique. L'ennemi pouvait recevoir des renforts; il ne fallait pas les attendre; ou prélever des corps pour les envoyer agir dans cet immense mouvement tournant qui, par la Belgique, menaçait le coeur de la France; il fallait le fixer; donc, dans tous les cas attaquer. Nos renseignements avaient bien fait connaître les organisations défensives de Morhange; nos avions - et mon fils aîné était sur l'un d'eux - avaient confirmé les renseignements. La position était forte; ce n'était pas une raison pour ne pas attaquer.

   La bataille de Morhange va se livrer dans trois vastes couloirs séparés par des collines boisées. Là-bas, à l'Ouest, dans la vallée de la Nied, opèrent la 39e division et  une brigade coloniale. Ici - devant nous - dans la vallée de la Petite Seille, c'est la 11e division, la division de fer, la division Balfourier. Là-bas, au Sud-Est, dans la région de Dieuze, les 15e et 16e corps. La bataille débute à 4 heures du matin; ce sont les Bavarois qui attaquent le 16e corps à Rohrbach et Zommange - et l'obligent à reculer -, puis c'est l'attaque des Allemands contre le 15e corps, dans la direction générale de Dieuze. Il faut reculer - recul couvert par les chasseurs alpins.

   Au 20e corps - le corps Foch - la lutte est farouche; il marche en avant, mais sa marche est entravée par le feu violent de l'artillerie lourde qui se décèle; la 11e division allait néanmoins atteindre Morhange, quand à 2 heures de l'après-midi, le 21e corps allemand attaque cette 11e division déjà décimée; elle doit se replier; elle le fait lentement, en combattant, et notre artillerie inflige de lourdes pertes à l'Allemand grisé par son succès et qui marche maintenant à découvert. Le repli se fait sur Château-Salins. A l'Ouest, la 39e division se portait vers le signal de Baronville et le signal de Marthil qu'elle allait atteindre vers 7 heures, quand se déclanchent encore le tir de l'artillerie lourde et les contre-attaques allemandes. A la gauche du 20e corps, les coloniaux étaient de même obligés de reculer de Chicourt, dont ils s'étaient emparés, sur Oron, où ils tinrent jusqu'au soir; leur commandant de brigade, général Wirbel, et l'un des deux commandants, étaient grièvement blessés. Plus à l'Ouest, les divisions de réserve étaient attaquées par la garnison de Metz et se retranchaient sur la Seille, vers Nomeny-Eply.

*   *   *

   Voilà la bataille de Morhange. On a dit, on dira beaucoup de choses sur cette bataille; on a beaucoup parlé de surprise; j'ai dit ce que j'en savais. On connaissait l'existence d'organisations importantes. On savait qu'on aurait affaire à une forte artillerie. L'action de l'artillerie lourde allemande a surpris nos troupes, qui voyait le feu la première fois dans ces journées des 19 et 20 août. Les renseignements que nous avons maintenant nous montrent que les Allemands eurent, en face de l'action de notre artillerie de campagne, des surpises aussi douloureuses, et toutes les armées, d'ailleurs, ont eu les mêmes surprises au cours de leur premier engagement;

   La bataille de Morhange et celle de Sarrebourg furent des échecs graves, mais nullement des désastres; les troupes se rallièrent promptement et le repli commandé des première et deuxième armées se fit en ordre; l'adversaire sut qu'il avait affaire à d'héroïques soldats, et s'il manifesta la joie de la victoire, il témoigna dans les journées suivantes, d'une prudence presque singulière.

   Cette bataille a montré, dès le début de la guerre, que les Français avait développé cette qualité qui fait la force et donne la victoire, et qui s'appelle la Tenacité.

(Journal Patriote Lorrain du 28 août 1921.)

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