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Bataille de Morhange - Sarrebourg
Bataille de Morhange - Sarrebourg
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23 mai 2010

Bataille de Sarrebourg : 11 canons réduits au silence

   Jeudi 20 août, le 8e corps d’armée, engagé dans la bataille de Sarrebourg, poursuit son mouvement, une grande épreuve attend les unités dont il est important de rappeler les éléments essentiels :

   Le 18, au début de l’après-midi, le 95e R.I. est entré dans Sarrebourg, avec le 85e R.I. à sa droite. Le 19, le 95e débouchant de Sarrebourg, occupe le triangle des voies ferrées, le 85e ayant pris Petit-Eich, échoue sur Réding, et la brigade borde au soir le ruisseau de la Bièvre.

   Le 20 août, le général Dubail, commandant la 1ère armée, donne l’ordre d’attaque des passages de la Sarre.

   La 15e division tenue en réserve d’armée est portée par marche de nuit, vers le nord, de Hesse par Haut-Clocher sur Dolving (27e R.I.), Gosselming (56e R.I.) et par Langatte sur Saint-Jean-de-Bassel (134e R.I.). Le 10e R.I reste en réserve.

   La 16e division a sa 32e brigade (13e et 29e R.I.) sur la rive gauche de la Sarre pour déboucher de l’Etzelwald et franchir la rivière. La 31e brigade a devant elle la vallée de la Bièvre. L’attaque prévue a lieu au matin.

   Le commandement allemand a fait rétrograder ses troupes jusqu’au 18 et les a fait se retrancher sur les pentes de la cote 325. L’attaque est prévue pour 11 heures.

   A ce moment, le 134e R.I. très éprouvé a dû se replier de Saint-Jean, le 27e R.I. est décimé dans le Sarrewald. Entre eux, le 56e R.I. a enlevé Gosselming à la baïonnette, mais a dû ensuite se replier avec de très fortes pertes. Le général de Castelli commandant le 8e corps écrit : « Un échec sanglant a mis fin, sur toute la ligne, à l’offensive matinale de la 15e division. »

   A la 16e division, la 32e brigade ne peut déboucher. Quant à la 31e, après un début difficile sous les tirs des mitrailleuses et de l’artillerie, elle est en butte à l’attaque allemande qui descend en masses profondes de la cote 325 et à l’est. Le 85e R.I. est décimé, il se replie sur Buhl et Hesse, et le 95e reste seul en flèche dans Sarrebourg qu’il abandonne vers 16 heures.

   Les batteries du 37e régiment d’artillerie, (Groupes 1 et 2) sous le commandement du colonel Vachée, prennent position de rassemblement à la cote 321 à la sortie de la route de Bébing à Haut-Clocher, au débouché nord du bois de Rinting. Les deux groupes sont à la disposition du général du 8e corps. Les 3e et 4e groupes aux ordres du commandant Rouyer, sont mis à la disposition de la 15e division qui doit attaquer dans la direction d’Oberstinzel.

   Le brigadier Brochard (3e batterie du 1er groupe) fait le récit des circonstances dans lesquelles 11 canons du 1er groupe, sont abandonnés sur place excluant toute possibilité de les retirer :

   « Vers 9 heures, à cheval, et nous voici à la lisière du bois de Rinting, gris de poussière, les chevaux en sueur. Quelques 77 tombent.

    Les capitaines sont partis avec le commandant en reconnaissance et après une attente un ordre passe : « Jugulaire. A cheval et dispositions de combat ! » Voici les batteries engagées au trop en plein bois, dans un chemin raviné au milieu de gros trous d’obus, tout frais qu’il faut contourner. C’est le commandant Mainié qui guide la batterie. Au bout de deux kilomètres, c’est la lisière. Le trop s’allonge et les conducteurs manient le fouet pousser ces gros chevaux de remplacement reçus le 17. Penchés sur l’encolure, de la voix, des genoux, des éperons, ils lancent leurs attelages en avant. Nous voyons Sarrebourg à droite, qui n’est qu’une fumée. Autour de nous des 77 éclatent fusants avec leur sifflement agaçant. Nous traversons une petite route ; En sautant le deuxième fossé, le timon de mon caisson casse. Puis mise en batterie face à droite au pas. Je vois un officier très galonné (c’est le lieutenant-colonel Fossat) qui désigne très calmement de sa cravache l’emplacement de chacun des douze canons. Nous sommes à la gauche du groupe, le plus près du bois. La 1ère batterie n’a pas franchi la route.

   Devant nous aucun défilement ; de l’autre côté de la vallée ce sont les hauteurs où sont les Allemands. C’est plein de fumée partout. Mon sacré timon  cassé me préoccupe plus que le reste ! Tant pis pour l’avant-train culbuté et les sacs des servants qui frottent à terre. Nous n’avons pas fait demi-tour que les pièces claquent déjà sec de leur tir rapide à vue ! Il est 10 h 45. »

   Sous une avalanche d’obus.

   « Nous nous sommes trouvés, nous les brigadiers bien embarrassés de faire la mise en batterie sans les maréchaux des logis-chefs partis avec la reconnaissance. Déjà chaque voiture hésite et va de son côté. A grands coups d’éperons je pousse mon gros lourdaud en avant jusqu’à la lisière du bois. J’agite réglementairement mon képi pour réunir les avant-trains ; tous viennent sur moi et je les groupe, en ordre, à l’abri des vues derrière la ligne des gros buissons.

   Les obus commencent à tomber en avant de nous sur les batteries. Ce sont des gros ! L’air est sillonné d’obus sifflants. Trois explosions de très près déclenchent, parmi les conducteurs, une pagaille. Quelques chevaux sont atteints. Dans le bois c’est un tonnerre infernal. A 50 mètres, un chêne énorme, sectionné à sa base tournoie et s’abat dans un grand fracas qui nous saisit. Les gars commencent à s’affoler, certains lâchent les chevaux. »

   Le brigadier Brochard voyant quelques voitures filer vers l’arrière, se précipite, les arrête ; les menace en jurant. Il arrive à ramener chacun à sa place et à les calmer.

   Que ferait-on ce soir, sans les avant-trains pour les pièces et les servants ?

    « Vers midi, débouchent, tout à coup, derrière nous du bois le commandant Aime, les capitaines et notre partie du groupe de reconnaissance. Où sont les batteries ? me demande le capitaine Coret, l’air furieux. Je contourne un gros buisson et leur indique. Ils partent les rejoindre en courant dans un enfer de fumée et de feu. Le bruit est tel que l’on ne peut pas s’entendre. Des batteries, il n’en reviendra pas !

   Une heure après, je reçois l’ordre de ravitailler en munitions. Mais le contre-ordre arrive : il reste plus d’obus sur la position que le peu de pièces encore en état ne pourront en tirer d’ici à ce soir.

   Les obus tombent plus que jamais tout autour. C’est vraiment une chance que dans ce coin de lisière nous soyons épargnés : pas un blessé. Du moins ici, car aux batteries, il y a du mal me dit un servant…Tous les chemins de retraite  sont coupés d’arbres brisés, de voitures et de caissons défoncés, de chevaux abattus ; des fantassins blessés et des brancardiers passent plus loin dans un layon.

   Je rejoins les avant-trains justes à temps pour voir les officiers qui reviennent avec un petit groupe de canonniers. L’abandon des positions a été décidé. Une seule pièce pouvant encore rouler est poussée à bras. Les caissons ont sauté, les canons criblés ou touchés en plein, mais aussi, les roues de bois furent rapidement brisées.

   Du 1er groupe, sur environ 110 artilleurs de tir, ne sont revenus que les 7 officiers, le commandant seul blessé au bras, trois sous-officiers sur 15 et une poignée de canonniers servants.

   A ma pièce, Pizon, Fauchon tués. Mardelle, Villois, Robelin blessés très grièvement sont laissés avec le major Lacaze qui sera fait prisonnier avec tous les blessés au poste de secours (Ferme de Foudenhoff).

   Pour terminer cette vision atroce et magnifique que m’a racontée Goujon, le brigadier de tir : le maréchal des logis Michaux, chef de pièce, ayant les deux jambes sectionnées au-dessus du genou, s’est fait caler contre un talus, a continué à commander le tir de sa pièce, et est mort à la fin du tir, vidé, sans dire un mot.

   Que d’émotions pour le 37e régiment d’artillerie dans cette seule journée ! Tués, blessés et disparus 44, chevaux 41, canons 11, caissons 18. »

Extrait de la revue Le Souvenir n°57/1962.

J.M.O du 37e régiment d’artillerie.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 

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