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Bataille de Morhange - Sarrebourg
Bataille de Morhange - Sarrebourg
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14 avril 2010

Prélude à un drame

   Nomeny, localité proche de la frontière est quotidiennement livrée au pillage par l’ennemi. Une opération de grande envergure est décidée. Au quartier général de la 35e brigade du 9e corps d’armée, un détachement commandé par le général Kopp, lance une action sur Nomeny le 15 août 1914 à 3h30. Il se compose de deux bataillons du 66e R.I. de Tours commandés par le colonel Janin, et d’un bataillon du 32e R.I. de Châtellerault, commandé par le commandant Humbert. Ces éléments reçoivent l’appui d’un groupe d’artillerie de la 18e division et d’un peloton du 7e Hussards.

   Le caporal Henri Evein, mobilisé au 66e R.I., auteur de l’ouvrage « Gloire et Mouscaille », fait le récit de cette opération où son bataillon est désigné pour entrer dans Nomeny.

   « Nous contournons le mont Toulon et descendons dans la vallée ; l’épais brouillard qui nous enveloppe va sans doute favoriser notre marche d’approche, car il semble bien que nous allons être engagés tout à l’heure. Un peu après la ferme des Franes, distribution de cartouches et de vivres ; petite formalité qui ne trompe personne ; aucun doute possible, c’est la bataille, le baptême du feu !

   Quelle est donc l’âme qui, à cette annonce, ne tressaillirait pas ? De quoi va être fait ce premier choc ? Quels vont être nos reflexes sous la mitraille ?

   Le brouillard s’est levé, la brigade se déploie tout autour de la petite ville de Nomeny que nous avons l’ordre d’occuper. Le bois de la Fourasse se trouvant sur notre chemin, nous le fouillons consciencieusement baïonnette au canon. Aucune trace d’ennemis, mais à la lisière du bois, les balles perdues commencent à claquer dans les branches. Nous débouchons dans la plaine en colonnes de demi-section et avançons par bonds successifs en utilisant le terrain comme à la manœuvre. Soudain, un bruit strident déchire l’air ; nous sommes sous un feu d’artillerie.

En carapace, commande le sergent !

   Nous nous recroquevillons, les uns contre les autres, le sac sur la tête ; à vrai dire, nous n’en menons pas large.

   Bougres d’idiots, crie le colonel qui se tient à quelques pas, vous ne voyez donc pas c’est notre 75 qui tire. Ainsi rassurés, nous levons le nez et apercevons, en effet, les éclatements de nos obus au-dessus de Nomeny.

   La riposte des Allemands est nulle. Nous ménagent-ils une surprise dans les premières maisons ? Notre mouvement se ralentit et nous faisons face à la Seille que nous surplombons ; de l’autre côté de la rivière, c’est la Lorraine annexée. Toujours pas d’ennemi en vue. A quelques mètres de nous, sur un tertre, pointe une modeste croix coiffée d’un casque de uhlan.

   Ma section reste plusieurs heures durant dissimulée dans les herbes folles […] Nous venons d’entrer dans Nomeny sans coup férir. Les Allemands après un simulacre de résistance ont évacué la ville. Avec quel empressement nous hélons les habitants blottis au fond de leurs caves…Surpris, hébétés par la crainte, ils ne savent que balbutier en tremblant : « Pourvu qu’ils ne reviennent pas ! »

   Nos allégations ne réussissent pas à les convaincre, et leurs grands yeux hagards continuent d’interroger l’horizon. Pareille frayeur n’est-elle pas justifiée ? Voici qu’on emporte sur une civière le cadavre d’un homme, c’est le jeune Nicolas Michel, âgé de 17 ans, qu’un Allemand a abattu sans raison hier soir. Le lieutenant soulève le mouchoir sanguinolent qui recouvre la face de l’infortuné valet de ferme de la Borde, la pauvre tête apparaît éclatée, les chairs noircies : le coup a été tiré à bout portant. Nous nous raidissons devant cette victime de la bestialité.

   Des patrouilleurs envoyés sur la Seille ont très nettement aperçu les formations allemandes évoluer sur la rive opposée ; aussi, en prévision d’une contre-attaque possible, avons-nous reçu l’ordre de renforcer avec des madriers, des chariots et tout ce qui est à portée de la main, la barricade du pont.

   Changement d’atmosphère, les visages des habitants se dérident et accueillent les soldats en leur offrant ce qui a pu être préservé comme nourriture, en échange, les soldats donnent du pain et de la viande, car les Allemands les avaient laissés dans le plus grand dénuement.

   Des ordres viennent d’arriver ordonnant l’évacuation de Nomeny par crainte du bombardement de la ville. C’est la déception chez les habitants : « Ne nous abandonnez pas par pitié ! » Nous leur répondons que nous prenons position en avant du village où nous allons creuser des tranchées pour mieux les protéger.

   Qu’étions-nous donc venus faire dans cette ville pour la quitter presque aussitôt, et sans raison valable en abandonnant une population civile qui, déjà se prenait à espérer ?

   Oh ! Mystères de la stratégie ! »

Nomeny_Monument

  (Nomeny - Momnument aux morts civils de la Grande Guerre. C.P. Collection J.Didier)

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